Portraits de mal-logés confinés
En Auvergne Rhône-Alpes, 10 personnes mal logées ont accepté d’ouvrir leurs portes et de partager leurs expériences des confinements successifs. Présentation du projet par Véronique Gilet, directrice de l’agence régionale.
Ce nouveau travail mené par le collectif ITEM grâce à l’appui d’associations partenaires locales permet à la Fondation de rendre visible le quotidien de personnes mal-logées et de mesurer ce que les épisodes de confinement ont ou non changé de leur situation d’habitat très difficile, voire insoutenable.
10 personnes ont été rencontrées entre le mois de juin et de décembre 2021. Elles ont accepté d’ouvrir leurs portes et de partager leurs expériences des confinements successifs. Des acteurs associatifs restés au front dès le 1er confinement témoignent également de ce que fût leur appui dans cette période de repli généralisé des personnes autant que des institutions (Puy-de-Dôme, Drôme, Métropole de Lyon et Saint-Etienne).
Sur le confinement, on a dit beaucoup de choses. On a parfois l’impression d’avoir tout dit sur le sujet sans en être pour autant encore sorti. À prendre connaissance de ces situations de personnes mal logées, un premier enseignement peut être tiré : le confinement se prête mal au système D.
Ce travail de reportage nous enseigne également, qu’à première vue, il y a du commun dans les expériences du confinement : tout le monde pouvait être touché. Du commun également dans les inquiétudes, dans ce qui a aidé à tenir (la vie en famille, la place des repas, le cadre de l’habitat), autant que dans les limites vécues de la promiscuité, de l’attente, du temps long et de l’ennui parfois, de l’assignation à un lieu et de la suspension des projets.
Toutefois ces portraits que le mal-logement a isolé de longue date dans l’attente d’une amélioration des conditions d’habitat, avec quelquefois un fort sentiment d’abandon. Le confinement et ses conséquences ont remis à jour les liens entre la pandémie et les inégalités sociales criantes, autant que nos difficultés structurelles à y remédier : nous restons mal équipés pour répondre à l’immédiateté de personnes vulnérables pour qui se posent des questions concrètes et souvent vitales à un instant T : comment se mettre à l’abri quand on dort dehors, comment s’approvisionner en nourriture et comment régler le loyer quand l’argent ne rentre plus, comment suivre sa scolarité quand le foyer n’est pas équipé d’un ordinateur, comment ne pas se replier quand les structures d’accueil sont fermées, …
Et maintenant ? Comment continuer à s’organiser pour aider concrètement les personnes mal logées ? Ces témoignages renseignent enfin sur la manière dont ces personnes ont « encaissé » le confinement et se sont organisées malgré tout, seules ou avec l’appui d’acteurs associatifs, pour continuer à vivre, avec quelquefois une résignation très forte que l’on ne peut décemment pas tolérer.
C’est à leurs côtés que la Fondation Abbé Pierre a déployé dès les premières semaines du confinement un Fonds d’urgence visant à apporter de la réponse concrète aux personnes mal logées et des moyens supplémentaires aux acteurs associatifs et institutionnels qui devaient continuer à assurer de l’appui et des réponses aux personnes dans ce cadre nouveau.
De ces expériences collectives, une question s’ouvre à nous : comment continuer l’action politique et faire jouer la solidarité et l’inventivité qui ont tout de même caractérisé la période ?
Pour la Fondation Abbé Pierre, il est bien entendu urgent de bâtir et de réhabiliter les logements afin de permettre aux personnes qui en sont privées ou qui sont captives de logements indignes de retrouver le cours de leur vie. Il est également indispensable de conserver ce socle d’une action publique qui a su se réinventer sur nos territoires dans cette période.
« Mal logés confinés » fera l’objet d’une mise en avant lors de la présentation de l’éclairage régional de la Fondation en Auvergne Rhône-Alpes, le 1er avril 2022.